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Tue, 28 Nov 2023 in Verbum et Lingua
De l’usage d’injures dans les forums de sites d’information. Le cas du Senegal
Résumé:
L’avènement de l’internet a généré de nouvelles manières de communiquer à distance via des outils technologiques sophistiqués. Les forums de sites d’information symbolisent par excellence ce phénomène inédit dans l’évolution de l’humanité. Cependant, ces nouveaux canaux s’accompagnent d’un certain nombre d’inconvénients de plus en plus préoccupants pour bon nombre d’observateurs. Les injures proférées sur les réseaux sociaux font partie de ces désagréments. L’objectif de cet article est de répertorier, classifier et analyser les insultes apparues dans un portail d’information sénégalais nommé Seneweb. Les résultats ont montré que ce sont surtout des célébrités qui se font insulter en français et en wolof. Ce travail contribue à signaler une mutation langagière survenue au Sénégal par le biais des réseaux internet.
Main Text
Introduction
Internet est apparu au Sénégal vers la fin des années 1990. Au départ, accéder à la toile mondiale relevait d’un véritable parcours du combattant. L’ordinateur et le téléphone portable n’étaient pas encore accessibles à tout le monde. Seuls quelques rares cybercafés existaient à Dakar et dans quelques grandes villes de l’intérieur du pays. Mais au fil du temps, les choses vont rapidement changer avec les avancées technologiques considérables constatées ces dernières années et la réduction du coût des supports permettant de se connecter sur internet. Ces chamboulements vont totalement métamorphoser le monde et le Sénégal ne sera pas en reste.
Aussi dans le domaine médiatique, des sites d’information vont-ils être crées et rapidement adoptés par beaucoup de Sénégalais. Incontestablement, ces outils informationnels révolutionnaires ont plusieurs côtés positifs : fin d’un certain monopole médiatique, accès rapide aux actualités du jour, possibilité de réagir à chaud par rapport aux nouvelles annoncées, création d’emplois, etc. Cependant, des inconvénients et inquiétudes subsistent. En effet, de plus en plus, certains de ces sites sont devenus des espaces de joutes de clavier où s’échangent insultes, paroles désobligeantes et obscènes à propos de tout et de n’importe quoi.
Notre méthode de travail a consisté à confectionner un corpus tiré du site Seneweb sur des périodes différentes. Nos recherches sur le portail ont porté sur les entrées suivantes : injures ethniques, injures politiques, injures religieuses, etc. Ensuite, notre analyse s’est orientée sur des aspects sémantiques, linguistiques et graphiques des insultes. Les parties de ce travail sont ainsi réparties : après avoir défini la notion d’impolitesse langagière dans un premier temps, nous avons fait l’état des lieux de l’acte injurieux dans les médias et réseaux sociaux sénégalais dans un second temps. Enfin, une troisième articulation s’est penchée sur l’examen linguistique des injures relevées.
1. De l’impolitesse langagière
Les vocables renvoyant à la thématique abordée dans ce présent article sont nombreux : injures, insanités, invectives, vilenies… Il s’agit de l’expression de paroles blessantes à l’encontre d’autrui. Cette démarche peut être verbale ou écrite. Ainsi, avant d’aller plus loin, examinons ce qu’il faut comprendre par injure.
L’injure est un acte linguistique sémantiquement chargée de propos d’une certaine nature dont le dessein est d’attaquer ou de se défendre d’une attaque. Elle se construit par le biais de plusieurs formulations langagières : comparaisons dévalorisantes, détournements désobligeants, déshumanisation, etc. L’injure nous renseigne que les motifs de douleurs et de souffrances transcendent la sensibilité du moule corporel. En effet une parole vexante, un écrit offensant peuvent également faire souffrir leur destinataire. D’où l’attention que la linguistique porte sur cet acte de langage.
Ainsi, nombreux sont les spécialistes qui ont eu à travailler sur la question et à proposer des définitions qu’il serait utile de convoquer. Béatrice Fracchiolla et Laurence Rosier expliquent ainsi le concept (2019 : 241) :
Le sens usuel le plus répandu est celui d’adresser des insultes à quelqu’un.e, c’est-à-dire proférer des paroles grossières, voire de l’invectiver. Ce premier sens est du côté de la personne qui profère ces paroles, avec une intention (…). Une insulte est, en ce sens, un acte ou une parole qui vise à outrager ou qui constitue un outrage, une injure, une offense, dans le sens actif où on insulte quelqu’un.e. Le fait de se sentir insulté.e (passif), qui renvoie à la notion de déshonneur, d’indignité, relève du domaine de la réception et doit dès lors être interprété selon la position du destinataire.
S’agissant de Claudine Moise, voici sa position sur la question (2008 : 193) :
Avec l’injure, on se trouve dans une rupture des rituels conversationnels (…). Elle marque les limites de toute communication, elle est la frontière avant l’agression physique ; peut-être même l’empêche-t-elle, la contient-elle. L’injure, évidemment, viole les lois du discours comme contrat de parole, coopération, politesse, elle est violence faite à la face négative de l’autre, à son intimité donc. Elle catégorise ce dernier, le réduit à une essence dégradante, négative, en ce qu’elle est une défiguration de l’injurié. Dans un rapport de forces, dans une tension violente, l’injure permet de nier l’autre dans une prise de pouvoir affirmée. Elle permet de rejouer une identité.
Par ailleurs, Jean Derive et Marie-Jo Derive (2004 : 14) ont donné le point de vue suivant :
Nous dirons tout d’abord que pour qu’il y ait insulte (…) il faut qu’il y ait adresse directe à un allocutaire, c’est-à-dire que l’énoncé qualifié comme insulte doit se présenter soit sous forme d’apostrophe, soit avec les marques grammaticales de la deuxième personne (pronoms, formes conjuguées, impératifs). Nous ne retiendrons pas en revanche comme insultes les énoncés dépréciatifs formulés à l’égard de tiers autre que l’allocutaire (C’est un cochon). En outre, pour devenir insulte, l’énoncé doit avoir pour fonction d’attribuer à l’allocutaire une nature (ou simplement une propriété) identifiable comme dévalorisante.
Les auteurs cités supra insistent sur les conditions communicationnelles requises pour qu’une injure puisse être considérée comme telle. En fait, leur définition resserre la compréhension basique de la notion d’insulte et la technicise davantage. Au sens large du terme une injure doit, à notre avis, être considérée comme telle avec ou sans la présence de l’insulté. Rosier et Ernotte (2000 : 3) élargissent le champ définitoire en y greffant les oscillations corporelles pouvant accompagner l’injure :
Nous appelons insultes les formes typiquement linguistiques de l’injure (laquelle possède également des formes gestiques, mimiques ou d’indifférence méprisante) mettant nominalement en cause l’individu dans son appartenance décrétée (insulte essentialiste : Pédale !) ou dans son être supposé révélé par une situation déterminée (insulte situationnelle : Feignasse !).
Autrement dit, injurier c’est débiter une incivilité tout en la faisant escorter de gestes dédaigneux et belliqueux. Les précisions ci-dessous de Lagorgette et Larrivée (2004 : 84) informent sur les traits langagiers inhérents aux énoncés injurieux :
Tout d’abord, nous considérons que les syntagmes nominaux d’insultes sont performatifs, en l’absence de tout verbe de ce type pour effectuer cet acte. Peuvent être l’acte d’insulter aussi bien les insultes lexicales usuelles que tout autre syntagme nominal, si le contexte d’occurrence est pertinent pour la réalisation de l’acte de dépréciation. Les SN axiologiques négatifs attribuent une propriété à un être ; pour réussir, cet acte doit être construit par l’allocutaire, qui évalue la valeur de vérité du SN lui ayant été appliqué
Enfin, rappelons la typologie des injures retenue par la chercheure Laurence Rosier :
  • Les insultes ontotypes (elles visent et s’attaquent à la nature intrinsèque de la personne injuriée)
  • Les insultes ethnotypes (elles agressent une appartenance raciale, ethnique, tribale ou linguistique)
  • Les insultes sociotypes (elles renvoient à la catégorisation sociale, au niveau de vie et à la corporation de l’insulté)
  • Les insultes sexotypes (elles se moquent du genre et des choix sexuels de la personne insultée).
2. L’injure dans l’espace public sénégalais
Pendant les dernières années de la décennie 1990 existait une émission radiophonique à la RTS (Radiotélévision sénégalaise) intitulée Nuit des slows. Elle démarrait à minuit les dimanches et était animée par un certain Abdoul Aziz Samb. Les thématiques de l’émission tournaient autour des préoccupations de l’époque. Dès le début, le talent de l’animateur et les sujets évoqués accrochèrent beaucoup de Sénégalais malgré l’heure tardive de démarrage de l’émission interactive où les auditeurs pouvaient intervenir en direct. C’est ainsi qu’un insulteur se permettait d’injurier toutes les semaines le président de la République Abdou Diouf, qui était à l’époque à l’échelle la plus basse de sa popularité.
Cependant, c’est à l’entame des années 2000 - suite à la première alternance politique intervenue au Sénégal - que le phénomène a commencé à prendre de l’ampleur avec la création du quotidien Il est midi. Les connaisseurs du milieu médiatique dakarois disent que ce journal insulteur avait été financé et soutenu par un cacique du pouvoir d’alors pour régler des comptes politiques. Au niveau des stations radios (Walf Fm, Sud Fm) s’imposaient les émissions «Wax sa xalaat» («Dire ce qu’on pense» / «Donner son point de vue» en wolof) où quelquefois des intervenants indélicats par effraction distillaient des insanités avant d’être aussitôt stoppés par une coupure. Toutefois, le summum fut atteint avec l’avènement des portails d’information et leurs espaces forums devenus très vite des agoras d’injures et de grossièretés. Mais au-delà de ces plates-formes virtuelles, le plus frappant est qu’au Sénégal l’atmosphère de ces dernières années a été fortement émaillée d’insultes relayées par les médias.
En 2017, l’affaire Penda Ba avait défrayé la chronique suite aux paroles malveillantes qu’avait proférées cette partisane de l’actuel chef de l’Etat du Sénégal (Macky Sall) à l’encontre des Wolofs. Cet épisode inédit avait ému tout le pays. Tel fut le cas de la chanteuse Amy Collé Dieng, suite à des propos froissants adressés à Macky Sall dans les réseaux sociaux. Nous pouvons sur le même registre citer les jeunes Bara Fall et Oulèye Mané respectivement arrêtés pour «apologie au crime» et «caricature obscène» du président de la république. En 2022, deux religieux musulmans connus et un député à l’Assemblée nationale s’étaient illustrés par leurs dérives verbales. Les propos du premier religieux avaient même eu un écho international, l’extrait suivant tiré de l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique en témoigne :
Le 24 février, l’imam Serigne Lamine Sall était invité sur le plateau de la chaîne de télévision locale Walf TV où il a notamment affirmé que les catholiques étaient « condamnés de la même manière » que les francs-maçons et les juifs dans l’islam. Selon lui, il n’existe que deux religions, « l’islam et les mécréants ». Les propos de l’imam sont « inadmissibles et ne peuvent être justifiés que par le mépris, l’indécence et l’ignorance », a estimé le 1er mars lors d’un point de presse à l’archidiocèse de Dakar Philippe Abraham Birane Tine, le président du Conseil national du Laïcat, qui rassemble les associations et mouvements catholiques du pays. Ces propos ont déclenché une vive polémique au Sénégal, (…) avec une population musulmane à près de 95%. Parmi les réactions, Mame Mactar Guèye, vice-président de Jamra, une ONG islamique, a estimé sur une radio que « l’imam Serigne Lamine Sall aurait pu se passer de ces propos malheureux à l’égard de la communauté chrétienne.»
Le second religieux sur la sellette se nomme Chérif Ibrahima Aïdara. Son tort est d’avoir traité les Wolofs de « voleurs » et de « menteurs ». Chose que fera le parlementaire Samba Dang du parti Pastef (opposition) qui s’en prendra aux Peuls qui selon lui seraient des « voleurs ». Tous les deux finiront par présenter leurs excuses aux deux groupes ethniques insultés. Ces quelques faits donnent une idée sur l’ambiance générale qui règne au Sénégal depuis deux décennies dans les médias et réseaux sociaux.
3. Cibles et nature des injures
Les motifs d’insultes répertoriés dans notre corpus sont en gros de trois ordres : les injures à caractère politique, les insultes liées à des croyances religieuses et enfin les insanités portant sur l’ethnie ou la race.
3.1 Injures à caractère politique
Les Sénégalais sont de grands passionnés de la chose politique. C’est qu’ils ont eu la chance - depuis l’indépendance de leur pays - de vivre dans des systèmes de gouvernance plus ou moins démocratiques à l’intérieur desquels leur liberté n’a pratiquement jamais été bridée. Cette aubaine de la Providence - dans une partie du monde où cela demeure encore rare - a fait que les Sénégalais ont toujours dit haut et fort ce qu’ils pensent de leaders étatiques.
Sous Léopold Sédar Senghor, le premier président du Sénégal indépendant, existait déjà le multipartisme (contrôlé et restreint certes mais existant quand même) à une époque où cela était impensable dans beaucoup de pays du monde. En 1980, à son départ du pouvoir, son successeur Abdou Diouf va davantage élargir les acquis démocratiques en levant toutes les contraintes liées à la création de partis politiques. Il dira en wolof cette phrase devenue mémorable pour symboliser l’ouverture : «La mosquée est ouverte, devient muezzin qui veut».
En mars 2000, le pays connut sa première alternance démocratique. Le président sortant (Abou Diouf) fut battu au second tour par son éternel rival Abdoulaye Wade. Ce tournant historique fera naître dans la conscience collective sénégalaise l’idée selon laquelle le peuple est désormais capable d’élire qui il veut lors d’une élection présidentielle. Cela se confirmera douze ans après avec la chute d’Abdoulaye Wade démocratiquement défait par son ancien lieutenant Macky Sall.
Est-ce que c’est cette trajectoire historique du pays qui fait que certains Sénégalais ont l’insulte facile quand ils évoquent les actualités de leur pays ou parlent du personnel politique national ? La question mérite d’être posée, même si l’on sait que les acteurs de la vie publique sont injuriés sur tous les continents et à toutes les époques. En tout état de cause, d’après les observations que nous avons effectuées, la classe politique locale est la première cible des insulteurs des forums de sites d’information. Les extraits suivants en sont une illustration (nous n’avons pas jugé nécessaire de corriger les fautes trouvées dans les fragments sélectionnés et encore moins modifier la nature des graphies). Commençons par examiner quelques noms d’oiseaux décernés à Abdoulaye Wade :
  • (1). wade le vilain dègage le president le plus vilain de l’histoire du senegal
    • Seneweb.com, 8 novembre 2011, à 13:11:24 | Lu 29984 Fois | 140 Commentaires
  • Seneweb.com, 8 novembre 2011, à 13:11:24 | Lu 29984 Fois | 140 Commentaires
  • (2). Cet homme n’a aucune dignité, aucun honneur et il ne respecte pas les sénégalais
  • (3). Wade: SATAN
  • (4). Vraiment ce criminel de Ablaye Wade nous pompe l’air. Il doit fermer sa gueule pour de bon
  • (5). cest du nimporte quoi toujours aussi rancunier
    • Seneweb.com, 14 février 2019 à 09:02:28 | Lu 10588 Fois | 122 Commentaires
  • Seneweb.com, 14 février 2019 à 09:02:28 | Lu 10588 Fois | 122 Commentaires
Les insultes proférées à l’encontre d’Abdoulaye Wade s’attaquent d’abord à ses caractéristiques physiques : vilain / le plus vilain président de l’histoire du Sénégal. Ayant pris de l’âge, son apparence corporelle n’est plus un atout pour le vieux politicien sénégalais à la calvitie célèbre. Par ailleurs, des qualificatifs peu flatteurs lui sont décernés : Satan, criminel, rancunier. Du temps de son magistère, beaucoup de Sénégalais critiquaient Wade en faisant allusion au diable. Peut-être que cela est dû au fait que lui-même avait évoqué son appartenance ancienne à la franc-maçonnerie. Dans un pays musulman et africain comme le Sénégal, franc-maçonnerie rime très souvent avec diablerie.
L’allusion à son manque de dignité, d’honneur d’une part et de respect d’autre part pour les Sénégalais renvoie au dernier épisode de sa présidence durant lequel il s’est efforcé en vain d’avoir un troisième mandat. De plus, son désir ardent de voir son fils Karim Wade devenir président de la république le pousse souvent à faire des sorties dans les médias. Chose que ses adversaires n’apprécient guère. D’où les expressions blessantes comme : pomper l’air ; fermer sa gueule.
Concernant Macky Sall (l’actuel chef de l’Etat), les insultes et autres propos haineux le visant ne manquent pas non plus. En voici un échantillon:
  • (6). Vas te faire enculer
  • (7). At num7 Pck Macky est un salaud
  • (8). Te traiter de porc serait une insulte au porc!
  • (9). Un IDIOT solutionne toujours ces problèmes par la violence et les menaces
    • Seneweb.com, 27 octobre 2018 à 01:10:23 | Lu 4486 Fois | 99 Commentaires
  • Seneweb.com, 27 octobre 2018 à 01:10:23 | Lu 4486 Fois | 99 Commentaires
Ces nasardes sont une réaction de la part d’internautes qui s’offusquent de ce qu’ils croient être une menace présidentielle à leur endroit. En effet ce dernier, offusqué par les dérapages des sites d’information, avait réagi en ces termes : «Ceux qui investissent les réseaux sociaux pour insulter seront traqués».
Macky Sall est certainement le président de la République qui aura été le plus insulté par ses compatriotes. En effet, les rubriques injurieuses portant sur lui vont de son physique aux insultes de mère (surtout en wolof) en passant par des gros mots à traits sexuels ou moraux. Ses insulteurs pensent qu’il n’est pas intelligent (Idiot) et qu’il est habité par une certaine bassesse morale (Salaud). Du point de vue linguistique, notons la construction de l’insulte (8) qui repose à la fois sur l’animalisation de l’insulté et sa comparaison désavantageuse avec le porc. Cet excès de violence verbale témoigne des tensions et rivalités haineuses entre le pouvoir et une frange de l’opposition. En effet, ne soyons pas dupes, bon nombre des intervenants dans les forums sont politisés et ont des opinions partisanes sur la marche du pays.
Ce disant, il n’y a pas que les tenants du pouvoir qui sont vilipendés, les opposants sont également outragés. Idrissa Seck, Ousmane Sonko de même que tous les entrepreneurs politiques majeurs, en prennent aussi pour leur grade. Cela va de soi :
  • (10). Sonko n’a pas encore les couilles établis. (…) Il a pas encore les couilles assez solides.
  • (11). Seneweb.com, 24 janvier 2023 à 12:01:49 | Lu 1069 Fois | 18 Commentaires
    • IDY EST L UN DES PLUS GRAND DETOURNEURS DES DENIERS PUBLICS COMME SON PERE SPIRITUEL WADE, CEUX QUI LE DEFENDENT NE SONT des griots malpropres comme lui et c est normal
    • Seneweb.com, 28 décembre 2014 à 14:12:02 | Lu 28631 Fois | 42 Commentaires
  • IDY EST L UN DES PLUS GRAND DETOURNEURS DES DENIERS PUBLICS COMME SON PERE SPIRITUEL WADE, CEUX QUI LE DEFENDENT NE SONT des griots malpropres comme lui et c est normal
  • Seneweb.com, 28 décembre 2014 à 14:12:02 | Lu 28631 Fois | 42 Commentaires
«Couilles» et «détourneur» sont les deux mots-clés sur lesquels reposent des injures adressées à deux opposants politiques. Le vocable «couilles» se caractérise ici par sa grossièreté et sa canaillerie. L’insulte vise à indiquer les limites et insuffisances d’un adversaire politique. La notice (11) met à l’index un ancien Premier ministre (Idrissa Seck) qualifié de «détourneur de deniers publics». Notons aussi la référence faite à sa caste d’origine (griot), dans le dessein malsain de bien remuer le couteau dans la plaie.
3.2 Injures à caractère religieux
La religion occupe une place prépondérante dans la vie des Sénégalais. Pays islamisé depuis plusieurs siècles, il est constitué majoritairement de musulmans. La religion chrétienne est arrivée au Sénégal dans les valises de la colonisation française. L’islam sénégalais est composé de quatre grandes confréries (tarikha) : la Khadriya (née en Irak), la Tidianiya (née au Maghreb) et deux autres voies d’émanation locale (la Mouridiya et les Layènes). Une certaine rivalité règne entre quelques adeptes des confréries tidiane et mouride. Aussi, de temps en temps au gré des évènements nationaux, des antagonismes bourbeux refont surface sur la toile :
  • (12). Le tidjanisme sénégalais est agressif, (…) Sales tidjanes !
    • Seneweb.com, 11 janvier 2012 à 22:01:16 | Lu 58272 Fois | 184 Commentaires
  • Seneweb.com, 11 janvier 2012 à 22:01:16 | Lu 58272 Fois | 184 Commentaires
  • (13). MERDE A TOUTES CES TARIKHAS DE MERDE, TRUMP A RAISON, DES PAYS DE MERDE PERIOD
    • Seneweb.com, 12 janvier 2018 à 10:01:07 | Lu 15409 Fois | 45 Commentaires
  • Seneweb.com, 12 janvier 2018 à 10:01:07 | Lu 15409 Fois | 45 Commentaires
Le terme «sale» est un introducteur d’insulte fort efficace, car permettant d’injurier tout en faisant court : «sale temps», «sale journée», «sale type», «sale boulot», etc. Dans l’exemple (12), c’est le même procédé qui est repris pour exprimer une antipathie : «Sales tidjanes !». Notons la présence du point d’exclamation qui vient en appoint à l’insulte. Le mot «merde» de la séquence (13) dénote du ras-le-bol de l’insulteur qui met toutes les confréries dans le même sac.
Par ailleurs, lors de l’affaire des élèves musulmanes voilées dans une école catholique de Dakar, les forums de sites d’information s’étaient fait l’écho d’échanges empestés entre musulmans et chrétiens sénégalais :
  • (14). VOUS LES CATHOLIQUE FAITE ATTENTION SINON ON VA VOUS FOUTRE DORR DU PAYS
  • (15). ce cardinal est un integriste
    • Seneweb.com, 29 novembre, 2011 à 14:11:36 | Lu 37134 Fois | 198 Commentaires
  • Seneweb.com, 29 novembre, 2011 à 14:11:36 | Lu 37134 Fois | 198 Commentaires
3.3 Injures à caractère ethnique
Un peu plus d’une vingtaine d’ethnies coexistent au Sénégal. Toutefois, la langue wolof est la plus répandue et serait parlée par plus de 80 % de la population. Cependant, les langues pulaar, sérère, diola et bambara sont également des réalités linguistiques dynamiques dans le pays. Toutefois pour des raisons diverses, il arrive que des frictions interethniques surgissent et soient amplifiées négativement dans les réseaux sociaux et forums de sites web. Les deux extraits suivants en sont un exemple, car s’en prenant violemment aux Peuls :
  • (16). Suicide toi batard mbidou
    • Seneweb.com, 31 mars, 2022 à 06:03:13 | Lu 21868 Fois | 205 Commentaires
  • Seneweb.com, 31 mars, 2022 à 06:03:13 | Lu 21868 Fois | 205 Commentaires
  • (17). Ce qui est sûr et indéniable est que : Les peulhs sont des traîtres nés... Surveillez toujours vos arrières quand tu collabores avec un peulh
    • Seneweb.com, 28 novembre, 2022 à 11:11:44 | Lu 3372 Fois | 34 Commentaires
  • Seneweb.com, 28 novembre, 2022 à 11:11:44 | Lu 3372 Fois | 34 Commentaires
«Mbidou» est une appellation péjorative adressée par certains aux Peuls. Ici, l’insulte est surchargée par l’assignation du substantif «bâtard» pour marquer fortement l’aversion et la répulsion de l’émetteur de l’insanité.
Cependant, les insultes ethnotypes - pour reprendre le terme de Laurence Rosier - ne visent pas uniquement les ethnies nationales. En effet, le 12 janvier 2022, un jeune sénégalais avait été tué à Atlanta aux Etats-Unis par des agresseurs qui voulaient lui voler sa montre. Cette information fut mise en ligne le lendemain par Seneweb avec des indications complémentaires. Une telle nouvelle ne peut que susciter émotion et rejet vis-à-vis du pays où le meurtre a eu lieu. Et d’après l’article mis en ligne, les meurtriers seraient des Afro-américains :
  • (18). encore des noirs Américains de merde comme d’habitude. Des gens foncièrement méchants, violents et mauvais, pires que les blancs
  • (19). C’est un pays de merde votre USA même des vacances j’en veux pas...
    • Seneweb.com, 13 janvier 2022 à 12:01:41 | Lu 30199 Fois | 99 Commentaires
  • Seneweb.com, 13 janvier 2022 à 12:01:41 | Lu 30199 Fois | 99 Commentaires
L’expression «pays de merde votre USA» est, à notre avis, une réponse consciente à l’insulte de l’ex-président américain Donald Trump, qui aurait traité les pays africains de «pays de merde». Dans le même sillage, une vidéo intitulée «Le calvaire des Africaines noires dans le monde arabe» - diffusée le 20 juin 2018 par Seneweb - relate la situation déplorable de domestiques africaines travaillant au Liban. Les révélations contenues dans l’entretien choqueront et indigneront l’opinion sénégalaise, d’autant plus qu’une forte communauté libanaise vit au Sénégal depuis très longtemps. C’est ainsi que des injures ont été énoncées :
  • (20). LES ARABES SONT VICIEUX, PERVERS ET OBSEDES SEXUELEMENT, ils ne peuvent pas se retenir devant une femme non voilée, ils commencent à avoir des pulsions dès qu’ils voient une femme légèrement dénudée (ex : le sein nu...). Il faut toujours les surveiller comme de l’huile sur le feu.
    • Seneweb.com, 20 juin 2018 à 21:06:00 | Lu 13205 Fois | 78 Commentaires
  • Seneweb.com, 20 juin 2018 à 21:06:00 | Lu 13205 Fois | 78 Commentaires
En fait, ces « représailles verbales » reprennent quelques-unes des tares communément attribuées aux Arabes : obsession sexuelle, perversion, violence, … Notons au passage la mise en lettres capitales des premiers termes du paragraphe insulteur. Cette mise en relief vise à renforcer graphiquement l’invective.
Enfin, les insultes qui referment ce volet découlent de deux faits divers. Le premier relate la mésaventure d’un touriste français qui s’est fait voler son argent à l’aéroport par un taximan dakarois. Le second narre l’histoire d’un Congolais vivant dans un village sénégalais où on l’appelait «gnack». Pour se venger de cela, il jettera ses propres excréments dans le puits du village. D’où les cris d’orfraie de quelques internautes :
  • (21)bien fait pour ce sale français ! medaille pour le taximan !
  • (22)Rapartriez ce Gnack chez lui! Ils sont vraiment sauvage et tordu d’esprit c’est la premiere fois que j’entends ce genre d’histoire monstrueuse
    • Seneweb.com, 14 décembre 2012 à 09:12:11 | Lu 19789 Fois | 35 Commentaires
  • Seneweb.com, 14 décembre 2012 à 09:12:11 | Lu 19789 Fois | 35 Commentaires
Depuis quelques années souffle en Afrique noire francophone un vent anti-français, surtout chez les jeunes. Aussi, toute occasion est bonne pour exprimer sa francophobie, d’où l’injure «sale français !». «Gnack» est un mot générique de la langue wolof qui désigne tout subsaharien qui n’est pas sénégalais. Cette appellation émane d’un vieux complexe de supériorité que certains Sénégalais ont vis-à-vis des autres africains. Ceci parce que durant toute la période coloniale française, Saint-Louis et Dakar furent tour à tour les capitales de l’Afrique occidentale française (AOF). Donc, les centres africains de la modernité et du progrès. Toutefois de plus en plus, beaucoup de Sénégalais évitent d’utiliser ce mot.
4. Caractéristiques linguistiques des insultes
4 .1 Injures en alternance codique :
Le Sénégal est un pays multilingue. Le français est la langue officielle et l’idiome d’enseignement du cycle primaire à l’université. Les langues locales n’ont pas encore intégré le système scolaire et universitaire. Toutefois, le français n’est pas la langue de la rue et des échanges sociaux. Pis, il perd progressivement du terrain au profit du wolof. Par ailleurs, nombre de Sénégalais sont au minimum bilingue. Ce qui transparaît dans leurs discours quotidiens sous forme d’alternance codique. Selon Hamers et Blanc (1983: 445), l’alternance codique pourrait être comprise comme étant :
Une stratégie de communication utilisée par des locuteurs bilingues entre eux ; cette stratégie consiste à faire alterner des unités de longueur variable de deux ou plusieurs codes à l’intérieur d’une même interaction verbale.
Les injures recensées dans notre corpus contiennent de multiples exemples d’usage de codes switching et de codes mixing. Généralement, c’est le wolof qui est associé au français. Toutefois, des insultes façonnées en pulaar et en anglais existent. Nous en avons sélectionné quelques-unes :
  • (23). Domou xaram bi. le petit Poussin (…) tu peux faire me malin dans tout les sens mais la pérpétuité t’atend dès Mars 2024.
    • Seneweb.com, 02 janvier, 2023 à 15:01:08 | Lu 646 Fois | 4 Commentaires
  • Seneweb.com, 02 janvier, 2023 à 15:01:08 | Lu 646 Fois | 4 Commentaires
  • (24). Khana sa baay mo lén ko jangal, wola peulhs yi danio doon kateu sa yaay?
    • Seneweb.com, 28 novembre, 2022 à 11:11:44 | Lu 3372 Fois | 34 Commentaires
  • Seneweb.com, 28 novembre, 2022 à 11:11:44 | Lu 3372 Fois | 34 Commentaires
  • (25). ala boni macky
    • Seneweb.com,27 octobre 2018 à 01:10:23 | Lu 4486 Fois | 99 Commentaires
  • Seneweb.com,27 octobre 2018 à 01:10:23 | Lu 4486 Fois | 99 Commentaires
  • (26). SATHI, AGRESSEUR, BANDIT, THIAGA, LOU BONNE LOUNEK FI THI SENEGAL 95% THI NIOUKAYE DEFF AYE MOURRID LANIOU
    • Seneweb.com, 11 janvier 2012 à 22:01:16 | Lu 58272 Fois | 184 Commentaires
  • Seneweb.com, 11 janvier 2012 à 22:01:16 | Lu 58272 Fois | 184 Commentaires
L’énoncé (23) est une construction hybride faite à partir du wolof et du français. Le terme «domou xaram bi» signifie «le bâtard». Le vocable «xaram» (signifiant ce qui est prohibé) est un emprunt à la langue l’arabe. La bribe suivante (24) est entièrement écrite en wolof. Elle est une réponse vulgaire servie à quelqu’un qui s’en était pris aux Peuls : «C’est ton père qui leur a appris cela, ou c’est ta mère qui se faisait baiser par les Peuls ?» Notons que le répertoire des insultes sénégalaises est très libidineux. En effet, tout tourne autour de l’acte sexuel, du sexe du père et surtout de la mère de l’insulté.
Le fragment (25) est effectué en pulaar. On pourrait le traduire ainsi : «Que Dieu maudisse Macky». Ici, le président sénégalais est insulté dans sa langue maternelle, peut-être dans le but de le narguer davantage. La citation (26) n’a en son sein que trois mots français : agresseur, bandit et 95 %. Tout le reste de la phrase est constitué de mots wolofs. Il s’agit d’une attaque acerbe envers les mourides : «Voleurs, agresseurs, bandits. Tout ce qui est mauvais au Sénégal, 95 % des gens qui le font sont des mourides».
4.2 Quelques particularités ortho-discursives
Du point de vue discursif, c’est le style oral des injures qui constitue l’aspect prééminent à relever. Elles sont en fait des reprises d’insultes courantes des langues française et wolof. De même, la construction linguistique des injures repose sur une quête perpétuelle de deshumanisation de la personne injuriée, qui peut être comparée à un animal (chien, porc, âne) ou attaquée en rabaissant sa dignité d’être humain (bâtard, connard, bounty, etc.) :
  • (27). ce bounty marié avec une blanche qui crache sur la france alors qu’il ne serait rien sans la France belle image de l’ingratitude africaine
    • Seneweb.com, 02 janvier, 2023 à 12:01:22 | Lu 1730 Fois | 34 Commentaires
  • Seneweb.com, 02 janvier, 2023 à 12:01:22 | Lu 1730 Fois | 34 Commentaires
De même, les compositions discursives axées sur la sexualité et l’appareil génital féminin font foison (pute ou thiaga en wolof, baise ta mère, gros cul, enculé, pétasse…). Signalons l’existence d’injures renvoyant à la sorcellerie, à l’instar du vocable «deum» (sorcier, anthropophage) qui est utilisé de temps en temps ; et quelques injures scatologiques (enfoiré, par exemple).
S’agissant de la contenance graphique, le recours à la mise en gras, l’emploi de la majuscule tout au long d’un énoncé et la répétition d’une lettre ou d’un signe de ponctuation (point d’exclamation, point d’interrogation…) sont les caractéristiques graphiques majeures constatées dans l’énonciation de certaines injures. Ces saillies orthographiques témoignent du besoin d’insistance de l’insulteur et son désir d’être visible afin d’être lu. Ce sont aussi des marqueurs d’état de colère, de mécontentement et de haine :
  • (28)HOOOOO POLITICHIEN FOUTTEZ NS LA PAIX
    • Seneweb.com, 24 janvier 2012 à 11:01:16 | Lu 42864 Fois | 148 Commentaires
  • Seneweb.com, 24 janvier 2012 à 11:01:16 | Lu 42864 Fois | 148 Commentaires
  • (29)Tchimm !!!
    • Seneweb.com,27 octobre 2018 à 01:10:23 | Lu 4486 Fois | 99 Commentaires
  • Seneweb.com,27 octobre 2018 à 01:10:23 | Lu 4486 Fois | 99 Commentaires
Conclusión
L’impolitesse verbale est consubstantielle à la nature humaine. Elle est le reflet d’une mauvaise humeur et d’un trait de caractère singulier. Les essors médiatiques et technologiques de notre époque ont favorisé de nouveaux canaux d’énonciation d’injures. Celles-ci ciblent généralement les détenteurs du pouvoir politique et des célébrités de toutes les sphères d’activités. Les préjugés ethniques, religieux et surtout l’adversité politique sont les principaux mobiles des insultes. Au Sénégal, les traits linguistiques des injures sur les portails d’information sont la proximité des énonciations d’avec le style oral et l’usage d’insultes en alternance codique. Des écarts ortho-grammaticaux et quelques singularités graphiques transparaissent dans les énoncés injurieux répertoriées. Pour finir, nous dirons que les forums des sites d’information sont devenus des carrefours d’échanges injurieux, des espaces de médisance et de diffamation, un théâtre de violences numériques pouvant porter atteinte au respect mutuel que les humains se doivent d’avoir entre eux. Leur impact négatif sur la jeunesse et les générations futures risque d’être désastreux si des mesures idoines basées sur la régulation ne sont pas prises le plus rapidement possible.
Résumé:
Main Text
Introduction
1. De l’impolitesse langagière
2. L’injure dans l’espace public sénégalais
3. Cibles et nature des injures
3.1 Injures à caractère politique
3.2 Injures à caractère religieux
3.3 Injures à caractère ethnique
4. Caractéristiques linguistiques des insultes
4 .1 Injures en alternance codique :
4.2 Quelques particularités ortho-discursives
Conclusión